A l’aube des mots

Auteur/autrice : Marco Pedroli

  • La petite bête qui monte sur la page

    Tandis que j’écris dans mon cahier je vois une petite bête qui monte sur la page. Un insecte, je ne connais pas son nom. Il est toute petit il a même peur de franchi les traits d’encre. En quoi suis-je en relation avec   lui ? Il traverse la page, je le regarde avancer et montrer et je vois qu’il a passé d’une page à l’autre comme moi.

    Pourquoi est-il là ? Quel est son message. Je ne sais pas pourquoi il est là quel est son but. Il reste mystérieux et secret et son itinéraire à travers la page blanche aussi reste mystérieux et secret.

    Mais je le vois. J’y prête attention. J’essaye de comprendre, peut-être même de me mettre à sa place dans sa peau (en fait je ne sais même pas s’il a une peau).

    C’est ça la relation. Voir les autres créatures. Etre attentif à elles, les garder dans mon esprit. Sans critique, sans jugement, sans vouloir non plus chercher à la diriger.

    La relation c’est d’abord une attention à l’autre. L’attention où je me situe sur le même niveau que lui ou elle. Sans discrimination, sans jugement sans se sentir ni en dessus-ni en dessous. Juste l’attention !

  • Au commencement était la relation

    Au commencement était la relation et Dieu était (dans) la relation, et Dieu était la relation.

    Et les vivants et les minéraux et les liquides et les solides, tous tournaient ans cette relation, tous étaient en relation et toutes ces relations se complétaient et s’entraidaient.

    Un jour un homme a pensé que sa relation était meilleure que celle des autres. Il s’est mis à part et a écarté les autres les autres humains les femmes et à plus forte raison les animaux et les arbres.

    Il s’est mis à part et a trouvé qu’il était meilleur que les autres. Il a créé le monde nouveau, non pas celui des relations mais celui de la domination.

    Domination du riche sur le pauvre, de l’homme sur la femme, des humains sur les animaux et la terre.

    Dans ce nouveau monde, cet homme a décidé qu’il avait le droit de nommer les bêtes, le feu la femme, les minéraux et tout ce que contenait la terre. Les éléments naturels, l’eau la viande de bœuf et de porc, le lait des vaches, les œufs et les fromages. Tout. Et il a dit qu’en nommant tous ce qui existe dans ce monde elles pourraient désormais lui appartenir.

    Et même la femme était à lui et à ses semblables blancs riches, cultivés

    Et l’homme a suscité le désir il a dit que c’était le progrès et il a construit un monde de science là-dessus. Et il a exclu les autres, et a parlé de progrès et a admis ceux qui se soumettaient et qui acceptaient de se battre pour recevoir de lui des parts bien méritées – parce que très vite il a affirmé que l’on manquerait de tout – et a demandé que l’on se souvienne de lui avec reconnaissance.

    Et le monde s’est divisé. Les relations se sont effondrées, les rapportes sont devenus de dominants à soumis, des rapports de calcule et de crainte et la relation a cédé le pas et Dieu n’était plus dans la relation, d’ailleurs on se demande bien où il était. Et s’il allait survivre à ce nouvel état.

    Et on va vers le mur.  

    Au commencement était la relation et la relation était Dieu et il faut retrouver cette relation, pour que chaque être humain ait sa part, soit dans la liberté de vie et des échanges.

    Est-ce l’arbre de la connaissance qui a tué la relation et qui a permis au sujet de se situer face à l’objet et avoir un sujet et de l’analyse, et de dominer le sujet.

    Ou est-ce juste la convoitise humaine qui préfère la richesse aux liens et qui ne se prive pas d‘asservir ses semblables et les animaux et d’empoisonner la terre juste par convoitise.

    Ou est-ce juste l’absence d’une vision globale et à long terme qui fait la part belle au petit profit plutôt que de voir les choses dans une perspective de très long terme.

    Reste que si c’est bien la relation qui sauve et qui permettre de survivre tous ensemble dans le monde. Relation homme, femme, animaux, plantes … et Dieu.

  • Après le match des footballeuses suisses contre les espagnoles

    J’ai été impressionné par l’attitude modeste et à la fois fière des joueuses interviewées à la radio. Elles ont accepté leur défaite sans jeter la faute sur d’autres, ni déclarer haut et fort leur malchance ou la partialité de l’arbitre. Elles ont pris note, elles ont exprimé leurs sentiments. Elles ont aussi dit leur joie de jouer devant un public chaleureux. Elles étaient reconnaissantes pour cela.

    Cette attitude des footballeuses contraste avec les propos que l’on entend souvent de la part des joueurs mâles après une défaite. Ils parlent de malchance et d’injustice – souvent même de partialité -, d’occasion manquées et de la chance que les autres ont eu.  

    Comme s’ils étaient des victimes !

    Cela en dit long sur les attitudes divergentes des hommes et des femmes face aux victoires et aux défaites. Le héros doit gagner ! et s’il perd, il enrage, tandis que la sportive de pointe gagne ou perd avec son cœur et ses émotions.

    Tout ceci résonne comme un écho de ce qui se vit tous les jours entre hommes et femmes.

    Pour conclure cette citation : Il faut savoir gagner avec modestie et perdre avec bravoure.

  • Ecoutez les oiseaux du ciel

    Quand je me sens impuissant face au climat et à son réchauffement, je me tourne vers mes amis les oiseaux. Ils sentent aussi que « leur maison » se réchauffe. Ils ne parlent pas de réchauffement climatique, mais ils sont sûrement conscients que quelque chose se passe qui pourrait les menacer.

    Et malgré cela ils chantent encore. Malgré cela ils sifflent, ils s’amusent, ils s’égaient, ils vivent, ils procréent, ils chantent et ils dansent. Ceci tout en étant conscients des menaces et des dangers, ils chantent.

    Pour moi ils sont un exemple. Et ils m’incitent à chanter encore, à me réjouir encore, de la vie et des rencontres et des fleurs et des êtres sous le soleil.

    Ils m’invitent à garder la joie et le chant, même si tout semble aller mal et de chanter toujours, de rire, de danser, de dire notre joie d’êtres vivants.

    Ce n’est pas un alibi, ce n’est pas une manière de mettre la tête sous le sable et de ne rien voir. Mais c’est le cri de la vie et de la vérité, de la survie et de la résilience. Il se réjouit de ce que nous sommes toujours là.

    La vérité toute menaçante soit-elle, ne doit pas nous empêcher de dire et de chanter la conscience qu’elle triomphera de la menace et de la mort.

  • Récré atomique

    Il lui a cassé son jouet et maintenant il lui demande de se calmer et de faire la paix avec son frère. Il lui a cassé son jouet qui faisait comme ça peur à son frère et il demande aussi au frère de calmer le jeu.

    Et lui, il proclame tout haut qu’il a réussi à les réconcilier et il s’en félicite. Il reste l’intouchable et le garant que les deux restent tranquilles.

    Le frère, celui qui n’avait pas le jouet a fait tout ce qu’il pouvait pour qu’il vienne punir l’autre, qu’il lui casse le jouet et le calme.

    D’ailleurs lui, le frère sans jouet, il a l’habitude de détruire ce que les autres ont, il a essayé de casser le jouet, mais il n’avait pas assez de force pour cela. Généralement c’est lui qui casse les autres, qui va jusqu’à anéantir les autres, les frères et les demi-frères et tous ceux qu’il estime autres que lui.

    Alors il détruit, et il détruit et lorsque l’un ou l’autre veut se retourner contre lui il en appelle à celui qui a cassé le jouet de son frère pour qu’il le défende.

    Et tous ceux qui trouvent son attitude mauvaise, dangereuse ou odieuse, tous ceux qui osent protester contre lui, il les accuse de discrimination et de haine gratuite.

    Cela ne l’empêche pas de continuer de détruire les autres, surtout ceux qui sont très faibles et qui n’ont plus rien. Il sait bien que personne ne se souciera d’eux.

  • « Si tu es pressé, fais un détour. »

    (Proverbe japonais)

    Fais un détour et regarde le ciel et les arbres, les fleurs et au loin l’horizon, réjouis-toi de la fraîcheur de l’air et du chant des oiseaux.

    Ne t’accroche pas à des objectifs et des devoirs, mais prends du recul, regarde la vie dans toute sa richesse.

    Ainsi tu auras gagné du temps et élargi ton horizon.

  • IN ATTESA

    Voici notre veilleur, ou notre veilleuse, création du sculpteur Ivo Soldini. Nuit et jour, par tous les temps, il est là, dressé devant nous, face au lac et aux montagnes.

    Il me relie à la terre, me rappelle l’importance d’être enraciné, il me conduit vers le haut, dans le domaine du sublime et du spirituel.

    Il se dégage une force d’elle, malgré les plis et les cicatrices de sa chair, car elle est dressée, alerte et consciente de son droit d’exister.

  • La divinité des animaux

    Les animaux n’ont pas connu la chute. Ils n’ont pas été placés devant l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Ou, s’ils ont été placés devant, ils n’ont pas consommé son fruit. C’est peut-être pour cette raison qu’ils ont une autre manière d’aborder le divin. Non pas avec les tourments que nous connaissons, les peurs et les besoins de se racheter. Ils vivent dans la simplicité des « enfants de Dieu », sans arrière-pensées, sans calculs. Ils peuvent être devant lui ou elle dans la joie, juste pour exprimer leur joie de vivre, laisser éclater leur louange et leur chant.

    Je ne crois pas que les animaux s’adressent à un Dieu ou à une divinité parce qu’ils ont peur ou qu’ils cherchent d’être protégés ou pour avoir de bons terrains de chasse. J’ai l’impression que leur lien avec Dieu est simplement un être là, dans la reconnaissance et la confiance. Ils ne demandent rien, ils ne font pas de sacrifices, rares sont ceux qui font des sépultures. Ils sont là, libres dans la nature et dans leur vie. Cette liberté caractérise à mon avis leur croyance en Dieu. Ils sont là, en lien avec le monde et la nature, en lien avec le principe de vie, et ainsi avec Dieu, et c’est bien ainsi. Quelle leçon pour nous et pour nos calculs parfois justes mesquins et petits devant Dieu pour être aimé, protégé, heureux, sauvés etc.

  • Le chant du merle

    Installé sur la plus haute branche, le merle chante sa sérénade. Un chant ouvert, rayonnant qui parcourt l’air avec joie et force.

    Au loin parfois une réponse ou comme un murmure de sa bien-aimée. A moins que la bien-aimée soit sur la haute branche et son amant dans les feuilles.

    Un cri de joie, un cri de victoire une sonorité qui surpasse tout.

    Si seulement je pouvais chanter aussi de toute mes forces, chanter sans me retenir, sans me freiner. Pour ma bien-aimée, mais aussi pour le monde qui m’entoure. Chanter sans frein, chanter au loin, une jubilation de reconnaissance.

    Je ne sais pas si le merle croit en Dieu. S’il y un Dieu des merles, ou si simplement il se sent en lien avec une force divine. Mais le chant qu’il fait me paraît une véritable louange à la création et à son créateur.

    On peut se demander si les animaux ont un Dieu, un Dieu vers lequel ils cherchent le secours, un Dieu à qui ils disent leur reconnaissance un Dieu à qui ils demandent conseil.

    Je pense merles, mais je pense aussi aux aigles dans le ciel, et aux cerfs, aux lions et pourquoi pas aux insectes et aux papillons, fourmis abeilles et vers de terre.

    Ont-ils un Dieu. Est-il à leurs images. Ou ont-ils la sagesse de le voir tout autre, libre et libérateur, référence et marque attentif à eu et suffisamment autre pour être aussi le Dieu des autres espèces.

    Et notre Dieu, acceptons-nous qu’il soit le même pour les autres animaux et les autres créatures. Alors que nous avons déjà de la peine à penser que notre Dieu est le même que celui des musulmans.

  • D’une main à l’autre

    Il paraît que si durant un certain temps on se brosse les dents avec l’autre main que celle dont on a l’habitude, cela stimule le cerveau et lui donne une nouvelle vigueur. C’est du moins ce que prétend le Docteur Frédéric Saldmann. Alors j’ai essayé. Au début ce n’était pas si simple d’aller dans les différents recoins de ma bouche par la gauche pour moi qui l’autre côté. C’était assez étrange pour moi, mais j’ai persévéré. J’ai retrouvé différemment ces gestes quotidiens tout simples.

    Je ne sais pas si mon cerveau a été stimulé par cela. Mais ma curiosité oui. Parce qu’en changeant de main, et en approchant par là mon corps par la gauche, j’ai découvert de nouvelles sensations. Cette action quotidienne n’est plus automatique et machinale et je suis plus conscient de ce que je fais.

    En prolongeant cette réflexion, j’ai pensé à tout ce que je fais de manière automatique et routinière, sans imaginer que je pourrais le faire autrement. Et pourtant en passant d’une main à l’autre ou en changeant de trottoir, je peux découvrir des possibilités nouvelles et insoupçonnées.

    Ceci est aussi valables dans les relations humaines et dans ma relation avec Dieu. Car si parfois j’ai le sentiment d’une certaine sclérose dans mon rapport avec Dieu ou avec les personnes que je rencontre, c’est parce que je n’imagine pas que je pourrais les aborder à partir d’un angle différent, « avec l’autre main » et un regard neuf.

    La vie nous est offerte avec des possibilité variées et parfois étonnantes. Alors pourquoi rester figé sur « ce que nous avons toujours fait comme ça ». Dieu nous ouvre l’horizon au-delà de ce que nous pourrions soupçonner. Pour notre bonheur et la joie de nos proches.